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Épuisement des ressources énergétiques et minières

  • 2020-02-01 09:34:30.0
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Le système alimentaire est très largement dépendant de ressources non renouvelables, en particulier des énergies fossiles. La perspective d’un déclin de l’approvisionnement en pétrole à court terme remet entièrement en question les capacités de production des fermes ainsi que toute l’organisation aval du système alimentaire.

Travail du sol, semis, binage, moisson, battage, tri, fauchage, séchage des récoltes, transport, traite… Comme n’importe quelle activité humaine, les travaux agricoles nécessitent une source d’énergie. Jusqu’à la révolution verte, celle-ci provenait presque exclusivement des muscles des paysans et de leurs animaux de trait, qui dépendaient eux-mêmes des produits agricoles. Mais aujourd'hui, les exploitations agricoles tirent la majeure partie de leur énergie du pétrole, sous forme de carburant pour les tracteurs et autres machines automotrices (Figure 7). Le chauffage et les machines des bâtiments de culture et d’élevage consomment quant à eux du gaz naturel et de l’électricité.

Figure 7 : Empreinte énergétique de l’alimentation de la population française. Ce calcul inclut les produits importés et exclut les produits exportés en distinguant les différents maillons du système alimentaire. Les couleurs représentent des estimations du type d’énergie finale utilisée : énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) en vert, électricité en jaune. RHD : restauration hors domicile. L’empreinte énergétique totale est d’environ 33 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep), à comparer aux 150 Mtep de consommation énergétique finale de la France. Source : Les Greniers d’Abondance, d’après Barbier et al. (2019) ; Harchaoui et Chatzimpiros (2018).

S’ajoute à cela une part importante d’énergie indirecte, utilisée pour la fabrication de différents intrants agricoles. En particulier, la synthèse industrielle d’engrais azotés par le procédé de Haber-Bosch emploie de grandes quantités de gaz naturel. Les engrais phosphatés ou potassiques, également abondamment utilisés, sont pour leur part issus de mines dont l’exploitation nécessite des excavatrices, des bulldozers et des camions alimentés en pétrole. L'agriculture est donc passée en moins d’un siècle d’une situation d’autonomie énergétique à une très forte dépendance aux énergies fossiles.

Excavatrice exploitant un gisement de roches phosphatées au Togo. Crédits : Alexandra Pugachevskaya, CC BY-SA, Wikimedia Commons.

Au-delà de la production agricole, le système alimentaire moderne repose sur des chaînes de transformation et de distribution complexes, énergivores, qui nécessitent du transport routier entre chaque étape (voir ). Pour l’illustrer, l’exemple d’un banal yaourt à la fraise est édifiant : mises bout à bout, ses étapes de fabrication font intervenir une dizaine d’industries et plus de 9 000 kilomètres de transport routier,. La dépendance aux énergies fossiles et en particulier au pétrole concerne donc l’ensemble du système alimentaire (Figure 7).

Figure 8 : Évolution de la production de pétrole brut (liquides de gaz exclus) entre 1985 et 2018 et scénario de l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) pour répondre à une augmentation de la demande de 1 % par an jusqu’en 2025. Les projections incluent les projets en cours de développement. La catégorie « à développer » correspond à des gisements connus mais pour lesquels il n’y a pas encore de projets d’exploitation en développement. On remarque que la production de pétrole conventionnel n’augmente plus depuis 2005 : son déclin est prévu à partir de la décennie 2020. Compenser ce déclin pour répondre à une demande croissante nécessiterait une forte augmentation de la production de pétroles non conventionnels, un scénario jugé improbable par l’AIE. Source : Les Greniers d’Abondance, d’après les données accessibles en ligne de l’Energy Information Administration, de la Canadian Association of Petroleum Producers et de l’Agence Internationale de l'Énergie (2018).

Fin 2018, l’Agence Internationale de l'Énergie (AIE) mettait en garde les décideurs publics contre un risque de contraction de l’offre pétrolière mondiale (Figure 8). Les découvertes de gisements exploitables n’ont jamais été aussi faibles et la production de pétrole conventionnel a franchi son pic en 2008. L’essor des pétroles de schistes américains depuis 2010 est parvenu à satisfaire l’augmentation de la demande, mais il faudrait que leur production double par rapport à son niveau de 2018 pour éviter une pénurie à l’horizon 2025. Un tel scénario est jugé peu réaliste par nombre d’experts et par l’AIE elle-même. Une contrainte sur l’offre globale de pétrole est donc probable à court terme. Les pays totalement dépendants des importations – comme la France – seraient particulièrement exposés.

Champ pétrolifère et gazier dans le Wyoming, États-Unis. Avec l'importante croissance du pétrole de schiste, les États-Unis sont redevenus le premier producteur mondial de pétrole. Les pétroles non conventionnels ne suffiront vraisemblablement pas à compenser le déclin du pétrole conventionnel : nous ferions face à une contraction de l'offre à l'échelle globale avant 2025. Crédits : © EcoFlight.

Ces problématiques d’épuisement ne concernent pas seulement les énergies fossiles, mais aussi les ressources minières non renouvelables à la base des engrais minéraux non azotés (phosphore, potassium, zinc…). À mesure que les gisements les plus concentrés sont exploités, davantage d’énergie est nécessaire pour obtenir une même quantité de minerai. Leur pic de production dépend donc à la fois du pic pétrolier et de la dégradation de la qualité des gisements. Pour le phosphore par exemple, élément critique pour la croissance des plantes, les réserves estimées sont encore relativement importantes mais l’incertitude demeure quant à notre capacité à les exploiter dans un monde en contrainte d’approvisionnement pétrolier. Le soufre, autre nutriment critique pour les cultures, est quant à lui un sous-produit du raffinage des hydrocarbures. Sa disponibilité future est donc elle aussi compromise par le déclin annoncé des énergies fossiles.

Dégradations de fond  : renchérissement et raréfaction des intrants, hausse des prix alimentaires Bien que le secteur agricole ne représente que moins de 5 % de la consommation nationale de produits pétroliers, les exploitations les plus consommatrices pourraient être fragilisées économiquement en cas de hausse du prix du baril – voire être dans l’incapacité financière d’assurer leur production. Ce risque s’aggraverait à mesure que la crise s’installerait dans le temps, et a fortiori en cas de descente énergétique subie suite au pic pétrolier global.

De manière générale, la dépendance au pétrole ou au gaz des autres facteurs de production – en particulier des engrais – peut conduire à une forte volatilité des prix et menacer la survie des exploitations les plus fragiles. Lors de la flambée des cours du pétrole entre 2006 et 2008, la cotation des engrais sur le marché mondial a par exemple grimpé de 80 %.

Le transport routier, qui repose exclusivement sur le pétrole, verrait également son coût augmenter fortement. L’accessibilité à l’alimentation se dégraderait pour les classes sociales les plus modestes.

Situations de crise : choc pétrolier, conflit géopolitique, défaut d’approvisionnement et pénuries locales Une crise énergétique soudaine aurait des impacts immédiats majeurs sur le système alimentaire. En ville comme à la campagne, l’approvisionnement de la population repose très majoritairement sur les poids lourds, la grande distribution, les utilitaires de livraison et la voiture individuelle. Le système fonctionne en flux tendu et ne dispose par conséquent que de très peu de stocks. Une perturbation des transports routiers peut rapidement compromettre localement ou plus largement la sécurité alimentaire. L’exemple des manifestations contre la hausse des taxes sur les carburants au Royaume-Uni en 2000 est éclairant : moins d’une semaine après le début des blocages de certains terminaux pétroliers et raffineries, les supermarchés du pays rationnaient la nourriture et prévoyaient des pénuries imminentes.

Rayons vides dans un hypermarché de Clermont-Ferrand en novembre 2018. En quelques jours, suite au blocage d’une plateforme logistique dans la région de Nîmes par des groupes de « Gilets Jaunes », certains produits alimentaires vinrent à manquer dans de nombreux magasins. Le fonctionnement en flux tendu de l’approvisionnement en nourriture est très sensible à une perturbation des transports routiers. Crédits : © Jean-Louis Gorce.

Voies de résilience : augmenter la population agricole, préserver les terres agricoles, favoriser l’autonomie technique et énergétique des fermes, diversifier les variétés cultivées et développer l’autonomie en semences, évoluer vers une agriculture nourricière, généraliser l’agroécologie, développer des outils locaux de transformation, simplifier et raccourcir la logistique alimentaire, manger plus végétal, recycler massivement les nutriments

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